13 avril 2006

 

L’Union européenne a choisi notre précarité

La remise en cause du droit du travail et l’extension du domaine de la précarité sévissent maintenant partout.
Alors, Merci la commission européenne !
Petit tour chez nos voisins frontaliers...

Des pays proches de nous géographiquement et économiquement expérimentent eux aussi les orientations de la « stratégie de Lisbonne », adoptée en mars 2000 par les quinze chefs d’État et de gouvernement qui composaient alors l’Union européenne.

D’autres pays européens suivent des politiques similaires dans l’espoir fou d’améliorer la compétitivité européenne et de créer des emplois.

En Allemagne, et alors que l’épreuve de force engagée entre le gouvernement français et les opposants au contrat première embauche ne faiblit pas, les ministres socialistes et conservateurs allemands issus de la coalition formée en novembre dernier se livrent à une bataille avec la flexibilité du travail comme toile de fond.

Avec, en 2004, près de 30 % des actifs occupant un emploi dit « atypique », l’Allemagne, comme la France, voit le contrat à durée indéterminée, garant des droits à la sécurité de l’emploi, se disloquer et reculer au profit d’emplois précaires.

La mesure sur l’allongement de la durée de la période d’essai de six à vingt-quatre mois pour tous les contrats à durée déterminée, dont l’entrée en vigueur était prévue au mois de mars, a mis le feu aux poudres au sein de la coalition.

La mesure incriminée ne fait en réalité que s’inscrire dans le processus des réformes libérales du code du travail engagées depuis 2002, sous le gouvernement du socialiste Schroeder et qui s’articule autour de deux axes : la flexibilisation de l’emploi et la mise en place de mesures coercitives pour inciter les chômeurs de longue durée à la recherche active d’un emploi.

Derrière le concept « aider et exiger » se cache la mise en oeuvre d’un contrôle des chômeurs et la diminution de leurs prestations. La durée du versement des indemnités de chômage est ramenée de trente-deux à douze mois.

Sous couvert de lutte contre le chômage de masse, les lois « Hartz » encouragent d’autre part le développement d’un segment d’emplois à bas salaires et occasionnels, principalement concentrés dans les services, et dont le dénominateur commun est la flexiblité.

L’emploi précaire devient la voie « privilégiée » et quasi obligatoire de l’insertion vers l’emploi. Alors que la législation sur les « minijobs » (emplois rémunérés à 400 euros) est assouplie, la loi ajoute une nouvelle catégorie de contrats : « les midijobs » (emplois rémunérés à 800 euros), ces travaux occasionnels d’intérêt public n’offrant aucune couverture sociale et n’étant pas soumis au code du travail allemand.

Au premier trimestre 2004, les créations nettes de « minijobs » (à titre d’activité principale) progressaient à un rythme annuel de 7,5 % contre une baisse de 0,5 % de l’emploi salarié total. Dernier outil hybride issu des lois « Hartz » : les « 1-Euro-Jobs ».

En Italie, le mouvement de libéralisation de l’emploi avait été initié en Italie, en 1996, par le gouvernement Prodi, avec la signature d’un nouveau pacte pour l’emploi introduisant déjà, une plus grande flexibilité de l’emploi avec la mise en oeuvre, entre autres, du travail intérimaire et l’introduction de « contrats de zone » (proches des zones franches françaises).

À partir des années 2000, encouragé par la stratégie de Lisbonne, le gouvernement italien a accentué la flexibilisation d’un marché du travail jugé encore trop rigide, avec le « Pacte pour l’Italie », ou loi Biagi (du nom d’un économiste, conseiller du gouvernement Berlusconi), signé en 2002.

La loi Biagi met à la disposition des employeurs un éventail de nouveaux contrats de travail, dits « intermittent », « accessoire », « partagé », « en couple », ou encore « travail sur projet ».

Ces contrats dits « atypiques » (aujourd’hui, un quart des salariés italiens) sont tous à durée déterminée et assortis de faibles salaires (inférieurs à 1 000 euros). Les retraites qui leur correspondent sont estimées à 30 % de la dernière rétribution.

Un tiers des salariés qui leur sont soumis enchaînent ce type de contrats depuis cinq ou dix ans, et 60 % des travailleurs âgés de 26 à 39 ans n’en ont jamais connu d’autres.

Les contrats « atypiques » représentaient, en 2004, 70 % des créations d’emplois. Si le chômage est passé de 9,5 % en 2001 à moins de 8 % en 2005, ces mesures, comme les précédentes, ont échoué à résorber le travail au noir, motif pourtant présenté comme essentiel (en fait un mensonge de plus) pour faire avaler ces mesures à la population italienne.

Autre source d’inquiétude, l’hétérogénéité et la fragmentation des contrats précaires rendent encore plus difficile l’action syndicale en direction des travailleurs concernés. Rien d’étonnant donc à ce que les manifestations françaises anti-CPE soient soutenues en Italie.

En Espagne, le chef de l’exécutif, José Luis Zapatero projette d’encourager la transformation des CDD en CDI en baissant le coût de ce dernier, via une prime de licenciement plus faible.

Le défi pour Zapatero étant de satisfaire aux exigences de la stratégie de Lisbonne sans braquer les partenaires sociaux, et de répondre aux dysfonctionnements patents du marché du travail.

Un emploi espagnol sur trois est un emploi temporaire et précaire, contre un sur dix en France.

À partir de 1994, le contrat temporaire est devenu le mode majoritaire d’embauche.

Le taux de précarité a passé la barre des 30 % depuis le début des années 1990.

Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il concerne toutes les catégories de salariés et tous les secteurs d’activité, qu’il touche en proportion plus de femmes que d’hommes, et n’épargne pas les jeunes.

En 2004, 52 % des trentenaires avaient un contrat temporaire.

De même que chez les diplômés âgés de 25 à 34 ans, 11,5 % d’entre eux sont sans emploi. Ce taux est le plus élevé d’Europe, la moyenne se situant autour de 6,5 %.

Mais il faut se le dire, rien n'est jamais immuable, la dernière expression référendaire des Français et leur lutte victorieuse contre le CPE, en témoignent.





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