05 mars 2006

 

Première Jurisprudence C.N.E.

JUSTICE

Voici comment deux employeurs ont vu leurs manœuvres de contournement de la législation du travail, avec le Contrat Nouvelle Embauche, condamnées. (CPH Longjumeau, 20 février 2006, n° F 05/00974)

À la clef : l’obligation de verser au salarié 16440 € de dommages-intérêts pour rupture abusive d’un contrat à durée indéterminée en période d’essai et d’un C.N.E en période de consolidation, 92,75 € au titre de l’indemnité de rupture de 8 %, sans compter 23,19 € au titre de la contribution aux Assedic et 1 000 € au titre des frais irrépétibles. Au-delà de la particularité de l’affaire, on retiendra la vigilance des magistrats quant au motif de recours au CNE car tout motif n’est pas légitime.

Les faits : Engagé le 21 mai 2005, par C.D.I en tant que contrôleur technique automobile, le salarié n’a pris ses fonctions que le 7 juin suivant, après obtention d’un agrément préfectoral. Son contrat prévoyait une période d’essai d’un mois renouvelable, période d’essai effectivement renouvelée le 6 juin 2005. Le contrat est rompu un mois plus tard, le 6 juillet, et le jour même, le salarié se voit offrir alors un autre poste, dans une autre entreprise, cette fois-ci en C.N.E, contrat qui, lui aussi, est rompu quelques temps plus tard, le 30 août.

La réaction : Deux ruptures coup sur coup, c’en est trop pour l’intéressé, qui saisit le conseil de Prud’hommes le 7 octobre et obtient justice.

Commentaires : Cette affaire peut se résumer à la formule suivante : deux contrats, deux abus :

1) Rupture du contrat à durée indéterminée et premier abus : « La rupture de la période d’essai par la Sarl ACG est abusive, n’ayant pas pour motif le manque de compétence du salarié mais étant destinée à éluder l’application du droit protecteur du licenciement par le recours au contrat nouvelle embauche au sein d’un proche partenaire de l’employeur.»

Le contrat a-t-il été rompu pour remplacer un salarié dans une entreprise partenaire ou l’employeur n’avait-il plus besoin du salarié ?

Selon le conseil des Prud’hommes de Longjumeau, dans les deux cas, de toute façon, la rupture de l’essai est abusive : l’essai ne peut être rompu que pour un motif lié aux capacités professionnelles du salarié.

2) Deuxième contrat et deuxième abus : selon le rapport présenté au président de la République, le C.N.E est destiné à rassurer les chefs d’entreprise ayant des difficultés à anticiper l’évolution de la conjoncture économique ou à apprécier les qualités du salarié.

Rien de tel en l’occurrence, les compétences du salarié étant connues et son embauche en C.N.E destinée à remplacer un salarié en congé. Et les juges d’enfoncer le clou : si, comme son nom l’indique, le C.N.E est destiné à favoriser de « nouvelles embauches », il ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d’un salarié et d’éluder le droit du licenciement.

En l’occurrence, l’utilisation du C.N.E a «induit une précarisation de la situation du salarié qui n’est en aucun cas justifiée par l’intérêt de l’employeur, qui pouvait avoir recours au contrat à durée indéterminée de droit commun ou, si besoin, au C.D.D de remplacement de salariés en congés pendant le mois d’août», ont-ils conclu.

Dernière erreur de l’employeur, celle-ci de procédure: le C.N.E a été rompu par lettre remise contre décharge alors que le texte exige une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Si la portée de cette décision doit être relativisée, s’agissant d’un premier jugement de conseil de Prud’hommes, elle doit toutefois inciter les employeurs à la prudence dans l’emploi du C.N.E, de sa conclusion à sa rupture.

06-03-06 d’après L.S.





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